Description
Nocturne
Étude des deux mains pour chanter dans un style large.
Si bien chanter est la plus grande difficulté sur tous les instruments, on pourrait presque désespérer de la vaincre sur le Forte-Piano qui, privé de la faculté de soutenir les sons, a tout donné lorsqu’il a été touché ; mais le sentiment rend ingénieux, et le besoin d’exprimer ce que l’on éprouve peut créer des ressources qui échappent au mécanicien. Ainsi donc, le Piano n’offrant ni les développements de la voix, ni l’ampleur de l’archet, ni les sons prolongés des instruments à vent, il a fallu pour le faire bien chanter lui choisir un modèle, et ce modèle doit être le plus parfait des instruments qui est la voix ; les développements de ce principe ont été donnés dans notre préface : nous engageons les élèves à la lire attentivement, et à bien méditer notre méthode. Dans aucun morceau de cet ouvrage, et peut-être dans aucun de ceux qui ont été écrits pour le Piano, elle n’est plus nécessaire à employer que dans celui que nous donnons ici, comme une épreuve de la manière de chanter avec largeur, élégance et expression. C’est dans des phrases simples et prolongées que la pureté du style, la largeur des appogiatures, l’indépendance où doit être la main qui chante de la main qui accompagne, pour anticiper sans précipitation d’une mesure sur l’autre, c’est dans un tel morceau, disons-nous, que toutes les finesses, les ressources, les illusions de l’art sont indispensables pour produire l’effet de la voix ou d’un instrument à archet. Ici la phrase chantante doit toujours dominer l’accompagnement ; c’est pourquoi, lors même que nous l’indiquons pianissimo, l’élève sentira que cette nuance ne sera que relative, et que le chant doit toujours être articulé par un toucher qui presse la note, après même qu’elle a résonné, tandis que la basse sera adoucie et fondue de manière qu’on entende plus encore l’harmonie entière de l’accord que chacun des sons qui la composent. L’artiste doué d’un grand sentiment jugera que, malgré la grande quantité de nuances que nous avons indiquées, il en est d’autres encore qui sont inspirées par le moment. Nous n’avons pas noté tous les appoggiatures dont ce genre de chant est susceptible parce que le temps fait vieillir les tournures qui sont, plus que le chant, sujettes à l’empire de la mode. En se pénétrant bien du caractère de ce morceau qui est indiqué par le long développement des phrases, l’artiste sentira que les appoggiatures doivent être d’un style aussi large que noble, et que leur exécution doit participer de ces deux qualités, c’est à dire que les ornements composés de sons liés s’écouleront sans hâte,
et seront inspirés seulement par le besoin de remplir le vide que laisse sur le Piano la trop longue durée d’un son qui ne peut pas être soutenu. L’exacte mesure de la main gauche doit être rigoureusement maintenue, quelque altération que cause dans la droite l’expression du chant et le développement des appogiatures qu’on y introduit. La batterie de la basse sera jouée aussi liée que possible, et presque toujours piano. (H. de Montgeroult)